Les pauvres au Maroc pendant la crise Covid ?
‘La pauvreté est une malédiction’
‘La pauvreté est une malédiction’, a écrit le célèbre écrivain marocain Tahar Ben Jelloun. Au Maroc 80% des travailleurs sont dans le secteur informel, selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT). Je ne fais même pas la distinction basique en économie entre travailleur et actif, qui comprend aussi les actifs non occupés, car il ne viendrait pas à l’idée d’un pauvre travailleur de demander l’indemnité perte d’emploi (IPE) créée très récemment en guise d’allocation chômage. Comment toutes ces personnes, qui en se levant le matin ne savent pas si elles pourront manger le soir, ont-elles pu survivre à un des confinements officiels parmi les plus longs du monde, puisqu’il a duré du 20 mars au 10 juin. C’est le thème de cet article.
La RAMED
Sur 12 millions d’actifs seulement 3,1 millions bénéficient au Maroc de la Couverture maladie grâce à une activité reconnue. Les autres bénéficient depuis 2002, d’une assistance de base grâce à la possession de la RAMED, le Régime Assurance Médical. C’est une assistance aux pauvres sans qu’ils aient cotisé. On est ici dans la redistribution verticale, comme certains d’entre vous le savent. Or justement, c’est grâce à la possession de cette carte que beaucoup de ménages pauvres ont pu survivre. Le gouvernement marocain a en effet proposé assez rapidement à tous ceux possédant la RAMED, de se déclarer pour obtenir une subvention pouvant s’élever jusqu’à 1200 dirhams pour un ménage composé au moins de quatre personnes. Avec 40 dirhams par jour autrement dit 4 euros, on survit.
Avec 4 euros par jour
Bien sûr, comme tu le sais avec 4 euros on est plus riche au Maroc qu’en France. C’est la fameuse Parité du Pouvoir d’Achat, mais pour autant même au Maroc on survit difficilement avec une somme aussi modique. De plus, il y a parfois loin des messages officiels à la réalité, et beaucoup de marocains m’ont confirmé que certains ménages prétendants aux aides n’avaient rien touché de l’État. La bureaucratie marocaine peut-être longue et tatillonne et malheureusement cela n’a pas changé pendant la crise du Covid. Aussi des millions de ménages qui ne pouvaient présenter les papiers demandés n’ont rien reçu. On a vu alors la mendicité apparaître à la porte des supermarchés notamment. Par contre, le royaume chérifien a mis en place, à travers un fond d’aide spéciale, une aide d’urgence aux sans domiciles fixes qui ont été parfois regroupés dans des gymnases ou des établissements scolaires et qui ont reçu l’aide alimentaire de base.
L’entraide familiale
Les associations et les collectifs n’ont pas été en reste. Quartier par quartier ils ont permis de venir au secours de beaucoup de personnes dans le besoin. Mais c’est essentiellement l’entraide familiale, communautaire qui a permis à certains de survivre. On a ainsi vu dans les premiers jours de la crise, de nombreux citadins pauvres fuir leurs conditions en se réfugiant dans leurs villages natales auprès de leurs proches. Cependant certains ne bénéficient pas de cette entraide familiale qui nécessite le respect de la norme. Dans le système patriarcal traditionnel marocain, certaines femmes en sont exclues. Les filles-mères sont souvent rejetées par le clan familial. Les homosexuels, qui ont osé avouer leur ‘déviance’ ont souvent également été rejetés.
Un État social insuffisant
Le gouvernement a agi pour ne pas laisser dans l’indigence extrême des millions de ménages qui vivent au jour le jour. Les associations et la communauté villageoise, la famille à pris le relais. Pour autant, cette crise a mis en avant les manques liés à un État qui n’est pas suffisamment social.
MAJ juin 2019 @ Philippe Herry
@ Philippe Herry