Plus de maths au lycée ?
Plus de maths au lycée ? Le ministère de l’Éducation nationale ne sait pas sur quel pied danser. Un coup on retire les mathématiques, un coup on le remet. Avec la réforme Blanquer les maths n’étaient plus obligatoires en première et terminale. Avec les nouvelles annonces du ministère, les mathématiques reviennent dans le tronc commun. En effet, les experts s’alertaient du fait que plus de 40% des élèves en terminale ne faisaient plus de mathématiques avec la réforme. A partir de la première, puis en terminale, les mathématiques sont enseignés en Enseignement de Spécialité (Eds) uniquement. En première les élèves choisissent trois Eds et n’en gardent que deux en terminale. Ils peuvent ainsi prendre par exemple Histoire&Géo et Sciences Eco sans garder les Mathématiques en terminale.
La baisse du niveau général en mathématiques
On s’alarme donc de la baisse du niveau général en culture mathématique. Cerise sur le gâteau ; les filles sont plus nombreuses a abandonné cette matière ce qui va alors renforcer les inégalités. Alors faut-il vraiment remettre les mathématiques dans le tronc commun ? La réponse n’est pas là où l’on croit.
La rigueur des mathématiques et de la musique
J’ai un bac scientifique en poche. Je comprends donc que cela peut aider à construire des raisonnements rigoureux. Nous apprenons scientifiquement à poser des hypothèses, les vérifier ou les rejeter. Dans un certain sens cela nous amène à réaliser des raisonnements plus rationnels, moins emprunts d’émotion. Si nous sommes capable de faire des liens avec le raisonnement philosophique, voire la construction d’arguments en français puis plus tard dans tout type de discours, alors indiscutablement les mathématiques apportent une valeur à la formation des jeunes. Pour autant, ce raisonnement rigoureux peut tout aussi bien s’acquérir en jouant aux échecs ou en faisant de la musique. Cette dernière matière largement délaissée dans l’enseignement, possède de nombreux atouts. Aide à l’attention, développement de la création et de la sacro-sainte rigueur. Tout est là, et pourtant Blanquer, ne parlait pas d’augmenter le nombre d’heures de musique au collège et lycée !.
La sélection par les maths
Continuer dans les bonnes classes
Pour ma part, les mathématiques m’ont surtout servi, à maîtriser les raisonnements à base de graphiques mathématiques que l’on nous proposaient dans les premières années à l’université d’économie. J’ai alors eu de meilleurs résultats, grâce à mon bac scientifique, par rapport à ceux qui avaient obtenu un bac moins chargé en mathématiques. Effectivement, le rôle principal joué par les mathématiques c’est avant tout une sélection des élèves. Les bons étaient alors capables d’aller dans la ‘bonne série’, la série S comme Scientifique. Puis les meilleurs pouvaient continuer dans les bonnes classes, notamment les prépas, avec encore plus de maths pour pouvoir sélectionner la crème des ingénieurs et polytechniciens.
A quoi ça sert ?
Le système paraissait bien huilé. Malheureusement l’objectif des maths en tant que matière utile pour un futur métier passait au second plan. Nous sommes très nombreux à nous rendre compte que les fonctions, les intégrales, et la compréhension du raisonnement par récurrence pour résoudre un problème de suite géométrique, ne nous a jamais servi dans notre vie professionnelle. Mêmes les ingénieurs savent que les heures interminables de mathématiques en hypokhâgne et khâgne sont trop théoriques pour avoir une portée pratique. Les mathématiques comme toutes les matières doivent être enseignés pour éduquer, former, mais non pour sélectionner. Pierre Bourdieu s’il était encore vivant aurait une analyse similaire.
Latin versus mathématiques
Sélectionner les élèves
Au delà de la formation initiale, les matières enseignées permettent aussi de sélectionner selon le niveau des élèves. Ce n’est normalement pas le rôle dévolu aux professeurs mais c’est pourtant tacitement ce qui est attendu par le système. Avec toujours le même schéma qui se reproduit. Les élèves qui ont le niveau vont en enseignement général et les autres en enseignement technologique ou bien alors sont relégués au bac professionnel. Cela n’a pas changé depuis que je suis dans l’enseignement. Mais quand verra-t-on un enfant d’ingénieur qui n’a aucune appétence pour l’école, se diriger sans contre indication de sa famille vers des études professionnelles après le collège ?
Une sélection nécessaire ?
Le système est dénoncé mais cela n’est pas près de changer. Pierre Bourdieu poursuit le raisonnement. Ce système permet alors de légitimer par la suite une certaine forme d’inégalité dans l’accès au travail et une inégalité dans les salaires. Mais peut-on faire autrement ? Peut-on imaginer un système éducatif qui ne sélectionne pas ? Autrefois, avant la Révolution Industrielle et le rôle de plus en plus important des sciences, la sélection était encore plus arbitraire. Les Humanités, le latin et le grec, étaient réservées à une élite qui pouvait poursuivre leurs études. Avec les mathématiques, il semble y avoir moins d’effet de classes sociales. On sait malgré tout, que les enfants de classes favorisées pourront profiter plus souvent de cours particuliers, qui permettront le coup de pouce nécessaire à la poursuite de ‘bonnes études’.
Les maths en primaire et collège
Donner du sens aux chiffres
Les mathématiques sont partout. Si les élèves ne maîtrisent pas les mathématiques alors ils pourront être bloqués pour certains calculs au quotidien, pour comprendre certains chiffres dans l’actualité. Ils pourront alors se faire manipuler plus facilement. Tout cela est vrai. Et c’est pourquoi, il est nécessaire que pendant les 10 ans obligatoires de mathématiques entre la primaire et le collège et la seconde, les élèves acquièrent cette culture mathématique qui permet de donner du sens aux calculs et aux chiffres. En Sciences Économiques et Sociales (SES) c’est un de nos objectifs. Les élèves doivent donner du sens au chiffre. De nombreux exercices basés sur l’analyse de documents statistiques commencent par cette fameuse phrase : ‘que signifie le chiffre souligné?’
De meilleurs résultats avec moins d’heures de maths
Ce que je perçois avec d’autres collègues pour autant depuis plusieurs années, c’est que les élèves, en général, ont moins de compréhension des chiffres statistiques. Pourtant, pendant cinq ans en primaire, les élèves reçoivent en moyenne une heure de mathématiques par jour. Au collège, la durée hebdomadaire est plus faible mais reste toutefois à 4 heures 30 en sixième alors qu’après cela fait 3 heures 30. Pour autant, on peut penser cet horaire amplement suffisant pour donner aux élèves, la formation nécessaire aux calculs de base et à la compréhension des chiffres et des mesures. Les comparaisons internationales montrent d’ailleurs qu’avec moins d’heures de mathématiques, beaucoup de pays sont mieux classés que nous. (1). En réalité, il est sans doute important de regarder les modalités de l’enseignement des mathématiques dans notre système éducatif.
L’inégalité filles-garçons
Une inégalité filles-garçons ?
L’argument marketing du ministère, rappelant que les inégalités filles-garçons vont se creuser si les filles font moins de maths, est à revoir. Les filles se dirigent moins vers les carrières scientifiques que les garçons. Toutes les études le montrent. Nous connaissons très bien les raisons sociologiques. (2),. Même si des progrès notables se sont fait sentir ces dernières années. Les stéréotypes, les rôles attendus de l’homme et de la femme, incitent plus les femmes à se diriger vers d’autres études. De plus, à niveau égal en science, les filles auraient moins confiance en elles et seraient plus rapidement incitées à se diriger vers les autres voies littéraires et sociales. Il faut donc combattre les stéréotypes qui sont porteurs d’inégalités genrées.
Déconstruire les rôles garçons-filles
En effet,, comme on le sait, les carrières scientifiques permettent plus souvent, d’atteindre des métiers avec des niveaux de salaires plus élevés en moyenne. Obliger tous les élèves, garçons et filles, à faire plus de mathématiques même si ils n’ont pas envie n’a donc pas de sens, si cette matière est subie. Il faut par contre déconstruire, les rôles attendus des garçons et filles dans la société. Il faut aussi amplifier la communication sur les modèles de grandes scientifiques. Au delà de Marie Curie, on peut citer par exemple l’astrophysicienne britannique Jocelyn Bell Burnell; la française engagée contre le Sida, Françoise Barré-Sinoussi, ou l’américaine Temple Grandin qui a travaillé sur le bien-être animal. (3)
Conclusion : plus de maths au lycée ?
Remettre les mathématiques dans le tronc commun est une grave erreur. Il existe par contre un matière obligatoire en tronc commun au lycée général, l’enseignement scientifique. A raison de deux heures par semaine en première et terminale, les élèves approfondissent la compréhension des atomes, des organismes biologiques, les dépenses énergiques du corps humain, le son et la santé auditive. Très pratique, très fonctionnel, très formateur !
Annexe
(1) https://www.education.gouv.fr/pisa-2018-culture-mathematique-culture-scientifique-et-vie-de-l-eleve-6209
(2) Sociologie de l’école par Marie Duru-Bellat et Agnès van Zanten
(3) https://www.nationalgeographic.fr/actualites/7-femmes-scientifiques-qui-ont-change-le-monde
MAJ décembre 2022 Plus de maths au lycée ? @ Philippe Herry
En effet je pense que ajouter les maths en 1ere et terminale ce serait une erreur- Cela va sûrement générer encore plus de haine de la part de certains élèves envers les maths. Peut être il faudrait, au lieu d’ajouter des maths en 1ere et Terminale, faire en sorte que au collège elles soient enseignés de manière à leur faire comprendre la matière et pas uniquement faire des calculs. En effet il faut donner du sens à tous ces calculs, et sentir que les maths sont vraiment utiles. Continuer les maths deux ans de plus ne fera pas améliorer les résultats, mais ça fera que tous les élèves peu intéressés par les maths soient encore plus ennuyés- De plus, ils auront une note globale de controle continu plus basse en général.
Depuis mon expérience personnelle, j’ai toujours trouvé les maths très compliqués, notamment au collège. Certains profs expliquaient les calculs de manières pas compréhensibles pour tous. D’où ma volonté pour arrêter les maths à tout prix. Puis concernant la musique aux écoles et collèges, c’est une matière extrêmement sous-estimée, et souvent les élèves ne voient pas un sens concret à cette matière qui devient habituellement une heure de permanence… Il faut donc donner un sens à cette matière et faire des activités agréables pour les élèves, et ainsi développer les capacités que peut générer la musique dans les élèves.
Merci Jacobo pour ton commentaire. Entièrement d´accord avec toi concernant la musique et les arts créatifs.