Comme chaque année, octobre est le mois des Prix Nobel. Et comme chaque année, je vous propose mon regard de professeur de SES pour décrypter les apports de ces économistes récompensés par le Prix de la Banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel, selon la formule consacrée. Les Nobels d’économie 2021
Comme très souvent le prix a été décerné une nouvelle fois à des chercheurs américains Joshua Angrist et Guido Imbens et un canadien David Card. Pas très original car en plus, mis à part, deux rares exceptions, le prix récompense des hommes. Ces trois économistes sont-ils utilisés par les professeurs de SES ? A-t-on l’occasion d’en parler ?
Des liens avec l’enseignement des SES en terminale ?
New Jersey et Pennsylvanie
A priori les programmes, les concepts et les théories à maîtriser par les élèves, nous éloignent de ces 3 chercheurs. Pour autant, Il me semble avoir déjà évoqué David Card et surtout son acolyte Alain Krueger, pour une expérience qui a donné lieu à un article publié en 1994 dans une grande revue économique. L’État de New Jersey avait décidé d’augmenter le salaire minimum alors que l’’État voisin de Pennsylvanie, aux États-Unis, le laissait constant. Quelles allaient être les conséquences ?
La théorie orthodoxe
La théorie économique orthodoxe, nous enseigne que l’augmentation du salaire réduit, toute chose égale par ailleurs, la demande de travail. En effet le coût du travail est plus élevé donc moins rentable pour une entreprise. Cela peut alors augmenter le taux de chômage. On rappelle qu’en économie l’offre de travail est le fait des travailleurs qui offrent leur travail. Par contre, les entreprises et administrations sont demandeuses de travailleurs. Or, Krueger et Card, ont montré grâce à une enquête approfondie que cela n’avait pas eu les conséquences négatives attendues sur le marché de l’emploi.
Un bon salaire minimum ne nuit pas au chômage
C’est une expérience qui peut nourrir le chapitre de terminale consacré au chômage. Le dilemme est souvent repris en économie. Si le salaire minimum augmente cela représente une charge pour les employeurs. A priori, ils peuvent alors réduire l’embauche. Mais au delà de cette vision comptable et très Classique de l’économie, nous pouvons aussi considérer que le salaire est un revenu qui permet ainsi plus de consommations et d’investissements. Bien sûr les effets vertueux de la consommation supplémentaires grâce à l’augmentation du salaire minimum peuvent se multiplier comme l’a montré Keynes. L’augmentation des salaires minimum génère des demandes supplémentaires.Cet effet macroéconomique supplante l’effet microéconomique lié à la hausse du coût salarial pour la firme.
Un modèle économique fiable
Grâce à la comparaison de données entre deux États quasi similaire, d’un point de vue socio-économique, David Card et Alain Krueger ont remis en cause un dogme établi par les économistes classiques. Mais au delà des résultats, ce qui est intéressant ici, c’est la nouvelle approche méthodologique qu’ils ont utilisée. Traditionnellement les économistes travaillent en faisant des modèles théoriques qu’ils valident grâce à des enquêtes. Par contre Card et Krueger ont agi d’une autre manière. Ils se sont servis d’une conjoncture économique, l’augmentation du salaire minimum dans un des États des États-Unis, pour pouvoir faire des comparaisons et en tirer des conséquences. Cela rejoint les méthodes utilisées en médecine pour valider l’efficacité de médicaments, avec des populations témoins. Nous avions déjà évoqué cela, je ne sais pas si tu t’en souviens, avec le Prix Nobel d’économie 2019, Esther Duflo.
A bientôt, pour de nouvelles aventures en SES
Philippe Herry